samedi 29 novembre 2008

"J'ai été volée à mes parents"


Je viens de terminer la lecture d’un livre très poignant sur l’adoption : « J’ai été volée à mes parents », l’histoire de Céline, adoptée au Pérou alors qu’elle n’avait encore que quelques semaines, et qui découvre, lorsqu’elle part à la recherche de ses origines une fois adulte, que sa mère biologique n’a jamais voulu l’abandonner, mais qu’elle avait été volée par un couple peu scrupuleux qui « vendait » les enfants. Les parents adoptants n’étaient absolument pas au courant de ces pratiques puisque cela se passait malgré tout par l’intermédiaire d’un organisme qui lui-même n’avait pas conscience de ce qui se passait…

Cette histoire est bouleversante et touchante : grâce à ses beaux-parents péruviens vivant à Lima, Céline a pu retrouver ses parents biologiques, et ses parents adoptifs ont toujours compris et accepté sa démarche.

Ce livre est intéressant car il permet de comprendre les choses du point de vue de l’enfant adopté, comprendre le cheminement qui se fait pour la recherche de ses origines et tout le processus psychologique qui se met en place.

Céline a par la suite ressenti le besoin de comprendre et mettre à jour ce qui s’est réellement passé dans le cadre de ce trafic d’enfants, et découvrir de quelle ignoble façon les auteurs de ces malveillances ont procédé jusqu’à ce qu’ils soient enfin inquiétés, jugés, puis curieusement remis en liberté….

Je n’en dirais pas plus et vous laisse, si vous le souhaitez, découvrir l’histoire de Céline.

Elle a créé un site internet très intéressant pour adoptants et adoptés : La voix des adoptés sur lequel j’y ai trouvé cette très belle et juste lettre écrite par Céline à l’attention des parents adoptants. Je me permets, et j’espère que son auteur ne m’en voudra pas, de la recopier ici. J’avais envie de la partager car cela m’a fait beaucoup de bien de la lire, de lire le témoignage d’une jeune femme adoptée qui découvre adulte, sa véritable histoire :

« J'aimerai vous dire tout d'abord que je viens vous parler aujourd'hui en tant qu'adoptée et maman. Je n'ai rien d'une ennemie et je ne viens rien remettre en cause et surtout pas votre rôle et statut de parents.

Je crois que de tout temps, à toutes les époques, dans tous les pays, dans toutes les cultures…il est difficile d'élever un enfant. Etre parent amène à se poser beaucoup de questions, notamment, sur l'éducation qu'on souhaite lui donner, les valeurs qu'on souhaite lui transmettre ou encore sur ses propres capacités à élever cet enfant.
Chaque jour, moi aussi je me pose ces questions. Ma petite fille représente tout l'or du monde pour moi et je sais qu'une partie de son avenir, en tout cas les premières clés qu'elle aura dans la vie pour démarrer, ce sera moi qui va lui donner. Alors c'est à moi de faire pour que ces clés là, plus tard, puissent lui ouvrir le maximum de portes.

Un enfant adopté est un enfant comme les autres, avec des particularités pas comme les autres. Je m'explique.
En tant qu'adoptée, il est vrai que je déteste être considérée comme « la chose pas normale ». J'ai ici ma place et je tiens à ce qu'on me la reconnaisse. Je crois que c'est important de souligner ce fait : un adopté a toujours du mal, à un moment ou un autre de sa vie, à trouver une place qui lui convienne. Cela n'a rien à voir avec le type de relation qu'il peut avoir avec sa famille, ses parents adoptifs, mais tout simplement que cette étiquette (« adopté ») on la porte et que parfois, c'est pas facile à porter. C'est donc pour cela qu'il est important pour la plupart d'entre nous de ne pas nous différencier catégoriquement d'un enfant qui vit avec ses parents biologiques. Sinon, on nous renvoie encore une fois notre étiquette.
Par contre, il faut être honnête : nous sommes arrivés dans notre famille adoptive d'une manière différente. Et c'est cette différence, qui devrait faire penser aux parents, que l'éducation qu'ils s'apprêtent à nous donner doit en tenir compte, et qu'ils devront la respecter.

Différence, pourquoi ?

Parce que nous venons d'une autre terre et parce que nous venons d'un autre ventre.

Ne l'oubliez pas s'il vous plaît. Oui nous avons une culture française, oui nous avons une éducation française, oui nous avons la nationalité française, oui notre famille est française, mais la terre qui nous a vu naître n'est cependant pas la France. Alors pour certains d'entre nous, voire pour une grande partie, un jour, va se réveiller cette autre partie, celle qui dormait en nous depuis qu'on a posé pour la première fois le pied ici. Cette partie que nous même ignorions, cette partie dont peut être on nous a peu parlé. Et face à cette grande Inconnue qui se réveillera peut être un jour, croyez moi, les personnes dont aura le plus besoin votre enfant, c'est vous. Car pour lui tout ça va être nouveau, il sera peut être attiré, mais aura en même temps peur d'y mettre un pied. Ca sera lui, mais ce ne sera pas lui. Soyez près de lui, partagez avec lui ses émotions, ses inquiétudes, ses angoisses. Rappelez-vous que vous êtes les seuls parents qu'il n'ait jamais connu, vous êtes son ciment.

Ne l'oubliez pas s'il vous plaît. Vous êtes ses parents à part entière, vous êtes ceux qui l'élevez et qui l'aimez, mais, et je sais que ça peut faire mal, nous sommes nés d'une autre femme. Nous avons malgré tout une histoire, un passé familial. Et cela même si nous avons été adoptés à une semaine ! Tout ça dort en nous. Peut être que pour certains les questions ne viendront pas. Et pour d'autres, elles fourmilleront dans leur tête, très tôt, ou très tard... Ca aussi c'est une grande Inconnue pour nous, une part de nous qui dort. Connaître ses origines fait partie du droit le plus légitime que devrait avoir un être humain de nos jours. Et pourtant je m'aperçois que c'est loin d'être le cas…Pourquoi tant de « nés sous X » ne pourront jamais savoir qui sont leur géniteur alors que pour la plupart d'entre nous, la réponse à cette question est un élément qui nous permettra d'avancer (car avoir la seule et même question qui revient dans notre tête tous les jours ça ne permet pas d'avancer croyez moi ! Mais plutôt de faire du « sur place » !), pourquoi permet-on ça encore aujourd'hui, pourquoi n'ont-ils pas accès à leur dossier quand certains en font la demande ? Pourquoi tout ça est si tabou ? Pourquoi fait on autant de secrets autour de la chose la plus naturelle du monde : nous cacher l'identité de celle qui nous a mise au monde.
Bien sûr, ce n'est pas elle qui nous a élevé, bien sûr, elle ne nous connaît pas aussi bien que vous, mais son sang coule dans nos veines et savoir qui elle est doit être un droit qui devrait nous être légitimement reconnu à tous.

J'essaie quelquefois de me mette à la place de ces parents adoptifs qui ont un jour entendu ou entendront : « je veux retrouver ma mère biologique » et je comprends…je comprends la peur et l'angoisse que vous pourriez ressentir. C'est pourquoi je ne nourri aucune colère.

Je crois qu'il est important, autant pour un enfant adopté qu'on lui reconnaisse ses droits, autant pour ses parents, qu'on leur reconnaisse la difficulté d'être parent adoptif. Ce n'est pas facile quand, autour de soi le problème ne se pose pas et quand dans votre cas vous êtes confrontés à un partage douloureux : celle avec une mère qui jusque là n'éveillait aucune question, ni ne faisait naître aucun intérêt pour votre enfant, celle qu'on avait peut être oublié…Un jour elle refait surface car cette grande Inconnue qui dormait si bien au fond de chaque adopté, se réveille et fait partie de sa vie. Quelle souffrance pour vous, mais ne l'oubliez pas, c'est de son bonheur dont il s'agit, et si la demande est là, alors soyez près de lui car, encore une fois, c'est dans ces moments là qu'il aura besoin le plus de vous, ses parents.

Tout cela n'a rien à voir avec tout l'amour, l'affection que vous avez pu lui donner, cela n'a même rien à voir avec votre capacité d'être parent ou non ! Cela est/sera une chose naturelle à laquelle personne ne peut/pourra rien y faire. Cela ne signifie pas que vous avez échouez, cela ne signifie pas qu'il ne vous aime plus, mais par contre cela signifie que cette partie qui dormait en lui depuis des années s'est réveillée et que lui même peut en avoir peur, c'est nouveau aussi pour lui. Et les seules personnes sur lesquelles il pourra compter, c'est vous. Alors mettez-le en confiance, montrer lui qu'il peut vous en parler, que vous êtes pour lui des piliers sur lesquels il pourra s'appuyer en cas de doute, en cas de coup dur…N'en faite pas un sujet tabou, il risquerait de garder tout cela pour lui au lieu de le libérer et de ne jamais en parler. Vous pourriez peut être ensuite croire que s'il n'en parle pas c'est parce qu'il se sent bien comme ça, alors que ça sera tout le contraire. Ca sera la peur de vous faire mal, de vous faire de la peine, ou la peur d'aborder un sujet sensible qui sera à l'origine de son silence et vous risqueriez de passer à côté d'un mal être non exprimé.

Si dès le début, vous avez conscience de tout cela, si vous avez conscience de ce qu'est une adoption, tout ce qu'elle entraîne, tout ce qu'elle porte en elle de conséquences, alors ça sera déjà une grande « formation ». Car vous vous préparerez déjà à affronter ce type de situation (un adopté qui s'intéresse à ses racines et sa culture d'origine, qui veut retourner dans son pays, qui souhaite retrouver sa mère biologique…). Vous aussi protégez vous. Ce ne sera pas facile alors travaillez y dès le début. Préparez-vous à cette parentalité si particulière.

Je crois que de toute façon, on n'élève pas un enfant POUR SOI. On l'élève, qu'on lui ai donné la vie ou non, pour lui donner le maximum d'opportunités de se construire un bel avenir (sur le plan moral, professionnel…).

Dans cette optique, élever un enfant adopté, c'est pareil. L'aimer ce n'est pas vouloir le retenir vers soi, mais c'est le préparer à s'en aller un jour avec toute la dignité qui lui revient. Avec le respect de ses origines, avec le respect de son passé familial et le respect de ses questions et de ses inquiétudes.
De toute façon, en essayant d'être le plus réaliste possible, il reviendra toujours vers ce qu'il connaît le plus, c'est à dire vous encore une fois. Le risque de le perdre ne doit pas vous faire peur, car cette peur pourrait réellement abîmer vos relations. S'il le ressent comme une trahison de votre part, c'est peut être à ce moment là qu'il pourrait se sentir mal aussi.

Adopter devrait être tout sauf de l'égoïsme (je veux un enfant pour moi donc je ne serai pas prêt le jour où mon enfant me parlera de son passé) ni un acte humanitaire (j'adopte un enfant pour le sortir de la misère donc je ne comprendrai pas le jour où il voudra y retourner) …

Oui, adopter est un geste d'amour, à partir du moment où on en accepte toutes les faces.

Céline
lavoixdesadoptes@hotmail.fr


Merci Céline, pour ces paroles…

1 commentaire:

Val a dit…

coucou
oui je 'lai lu il y a quelques mois et il m'a bouleversée !
toute cette souffrance de part et d'autre
mais pas vaine je pense car pour nous futurs parents cela nous donne quelques indices de vigilance
bisous
val